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dimanche 28 août 2011

CONFLIT D INTERET la suite

II. LES CONFLITS D’INTERETS, UNE NOTION A DEFINIR

2.1. Les définitions existantes témoignent d’une importante convergence, mais restent diverses et plus ou moins précises

La notion de "conflits d’intérêts" n’a fait l’objet de tentatives de définitions que récemment, soit de la part d’organisations internationales (l’OCDE et le Conseil de l’Europe), soit de la part d’Etats ayant adopté une législation relative à la prévention  des conflits d’intérêts (comme le Canada). Elle est à la fois subjective et évolutive, en fonction des situations susceptibles de se présenter et de l’expression des attentes collectives. Aucune définition n’est donc admise universellement, mais toutes présentent des éléments constants.

2.1.1. La définition de l’OCDE apparaît comme le « socle » commun des réflexions sur les conflits d’intérêts.

L’OCDE a engagé une réflexion comparative sur la prévention des conflits d’intérêts depuis une dizaine d’années, et elle a progressivement établi une définition des conflits d’intérêts, formalisée dans ses Lignes directrices de 2005. 
Aux termes de ce rapport, " Un conflit d’intérêts implique un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ".

Il ressort de cette définition qu’un conflit d’intérêts peut concerner la période présente ou passée. Dans ce cadre, l’OCDE distingue trois formes de conflit d’intérêts :

-    "le conflit potentiel" désigne la situation dans laquelle, compte tenu des intérêts privés de la personne dépositaire de la puissance publique, l’exercice de telle ou telle fonction publique (à la suite d’une nomination notamment) placerait celle-ci en situation de conflit d’intérêts ;

-    "conflit apparent" est la situation dans laquelle les intérêts privés de l’agent sont susceptibles d’être regardés comme de nature à influencer indûment sa manière de servir, sans que ce soit le cas effectivement ;


-    enfin, "le conflit réel"  désigne la situation dans laquelle il est avéré qu’un intérêt personnel a influencé le comportement de la personne exerçant ses fonctions professionnelles. Selon l’OCDE, cette situation ne relève pas du conflit d’intérêts stricto sensu et doit être appréhendée sous l’angle répressif.

La définition de l’OCDE se place donc en partie sur un terrain extra-juridique, notamment sur le plan des comportements individuels et des "pratiques organisationnelles" destinées à permettre la reconnaissance et le traitement des conflits d’intérêts potentiels. Cette organisation prône d’ailleurs la promotion par les Etats d’une véritable "culture" de la déontologie et de la prévention des conflits d’intérêts, qui devrait idéalement aboutir à cantonner les conflits réels à des situations très résiduelles.

Cette définition, incontournable, ne permet cependant pas toujours d’appréhender l’ensemble des situations possibles, ni de donner une formulation juridique sécurisée des conflits d’intérêts.

2.1.2. La définition du Conseil de l'Europe est également fondatrice.

Dans sa recommandation n° R (2000)10 du Comité des ministres sur les codes de conduite pour les agents publics du 11 mai 2000, le Conseil de l’Europe a retenu la définition suivante : "Un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à influer ou paraître influer sur l'exercice impartial et objectif de ses fonctions officielles. L'intérêt personnel de l'agent public englobe tout avantage pour lui-même ou elle-même ou en faveur de sa famille, de parents, d'amis ou de personnes proches, ou de personnes ou organisations avec lesquelles il ou elle a ou a eu des relations d'affaires ou politiques. Il englobe également toute obligation financière ou civile à laquelle l'agent public est assujetti".

Cette définition est reprise par l’association Transparence International France, qui substitue toutefois la notion de titulaire d’une charge publique, plus large, selon elle, à la notion d’agent public.

2.1.3. En France, le Service central de prévention de la corruption (SCPC) a élaboré sa propre définition.

Dans son rapport annuel de 2004, le SCPC considère qu’ "Un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle une personne employée par un organisme public ou privé possède, à titre privé, des intérêts qui pourraient influer ou paraître influer sur la manière dont elle s'acquitte de ses fonctions et des responsabilités qui lui ont été confiées par cet organisme ». 
Cette définition doit être rapprochée, pour les fonctionnaires, de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 qui interdit au fonctionnaire de prendre, par lui-même ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance.

2.1.4. A l’étranger, rares sont les pays qui ont une définition normative des conflits d’intérêts.

Les conflits d’intérêts ne font l’objet, ni d’une définition commune, ni, dans la plupart des pays, d’une définition juridique : ils sont le plus souvent appréhendés lorsqu’ils sont "réalisés" et que leur seuil de gravité est tel qu’ils peuvent faire l’objet d’une sanction, soit disciplinaire, soit pénale (notamment en cas de corruption ou de trafic d’influence).

Dans ce contexte, rares sont les pays qui ont inscrit une telle définition dans leur ordonnancement juridique. C’est pourtant le cas du Canada, qui, dans la loi sur les conflits d’intérêts du 12 décembre 2006, définit le conflit d’intérêts comme "la situation dans laquelle un titulaire de charge publique exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d’un parent ou d’un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne". La loi exclut du champ de "l’intérêt personnel", l’intérêt de portée générale, celui qui touche le titulaire de charge publique en tant qu’il fait partie d’une vaste catégorie de personnes, ou encore celui qui porte sur la rémunération ou les avantages sociaux d’un titulaire de charge publique.

Au Royaume-Uni, le "Ministerial Code" contient des prescriptions très précises et exigeantes qui sont applicables aux membres du gouvernement, pour éviter toute confusion entre leur mission publique et les intérêts de leur parti ou de leur circonscription. Ces prescriptions concernent aussi leurs intérêts privés : les ministres doivent assurer qu’aucun conflit ne s’élève ou ne pourrait raisonnablement être regardé comme s’élevant entre leurs obligations publiques et leurs intérêts privés, financiers ou de toute autre nature. Des règles précises de gestion de ces conflits sont fixées. Ils doivent aussi souscrire une déclaration d’intérêts qui donne lieu à deux publications par an. Le Civil Service Management Code prévoit, dans sa rubrique relative aux principes, que les agents publics ne doivent pas utiliser indûment leur position officielle ou les informations obtenues dans le cadre de leurs fonctions en vue de favoriser leurs intérêts privés ou ceux d’autres personnes. Les conflits d’intérêts peuvent survenir du fait d’intérêts financiers et, plus largement, d’échanges officiels avec des individus (ou de décisions relatives à ceux-ci) qui partagent des intérêts privés avec l’agent (clubs et cercles privés, famille…).

Lorsqu’un conflit d’intérêts survient, les agents doivent déclarer l’intérêt litigieux à leur hiérarchie, de telle sorte que celle-ci puisse déterminer la meilleure conduite à tenir. Les agents publics ne doivent pas recevoir de cadeaux ou bénéficier d’invitations ou d’avantages de quelque nature que ce soit de la part d’un tiers, lorsque cela pourrait être perçu comme de nature à compromettre l’objectivité de leur jugement et leur intégrité.

Le Portugal a également intégré dans la loi une brève définition, selon laquelle le conflit d’intérêts est l’antagonisme provenant de l’exercice de fonctions officielles, lorsque convergent intérêts publics et personnels, mettant en jeu des intérêts financiers ou patrimoniaux de nature directe ou indirecte.

2.2. Ces définitions font néanmoins apparaître des caractéristiques communes.

L’examen de ces définitions et des illustrations ou applications données par les organismes qui en ont eu l’initiative, fait apparaître des caractéristiques communes fondamentales, qui appellent quelques précisions pour l’élaboration d’une définition des conflits d’intérêts opérationnelle :
 
-     l’importance des apparences : le conflit d’intérêts est conçu comme une situation dans laquelle une personne investie de fonctions publiques possède des intérêts personnels, c'est-à-dire de nature privée, susceptibles d’influer ou de paraître influer sur l’exercice de ses  fonctions.  Il s’agit  donc tout autant de s’assurer de la régularité et de l’impartialité subjective du processus de décision, que de son impartialité objective ; 
 
-      l’existence d’un « conflit » et d’un certain degré d’intensité des intérêts en cause : il ne suffit pas qu’il y ait simplement coexistence d’intérêts, ni convergence ou divergence, anodines ou fortuites, mais bien conflit, c’est-à-dire contradiction, opposition, antagonisme, interférence ou, au contraire, forte convergence, de nature à susciter un doute « objectivement justifié », pour reprendre le vocable utilisé tant par la Cour européenne des droits de l’homme que par le Conseil d’Etat, quant à l’absence d’incidence de l’intérêt privé de l’acteur public sur le sens d’une décision. En outre, l’identification d’un risque de conflit et sa prévention suppose que la personne concernée soit en situation de prendre une décision ou d’influencer effectivement son édictions ou ses modalités d’exécution, c’est-à-dire qu’elle exerce une autorité, fût-elle partagée.
Cette idée de "conflit" implique que ces intérêts privés et leur influence potentielle sur les intérêts publics présentent une intensité suffisante pour pouvoir être regardés comme de nature à susciter un doute raisonnable sur l’impartialité de la personne concernée. Tout intérêt privé n’est pas nécessairement susceptible de porter atteinte à l’intérêt public dont la personne concernée a la charge, mais tout intérêt susceptible de susciter un doute doit être connu, pris en compte et éventuellement abandonné ou cantonné lorsque le risque de conflit est suffisamment sérieux.

Cette « modulation » dans l’appréciation d’un éventuel conflit se traduit, dans la définition retenue par l’OCDE, par le terme « indûment », que l’organisation précise en se référant aux intérêts qui peuvent "raisonnablement être considérés comme susceptibles d’influencer indûment l’exécution des obligations de l’agent public". Les Lignes directrices de l’OCDE invitent ainsi les Etats à identifier "les situations de conflits d’intérêts inacceptables" en se posant la question suivante : "Une personne raisonnable ayant connaissance de l’ensemble des faits pertinents risque-t-elle de penser que l’intégrité de l’administration est menacée par des conflits d’intérêts non résolus ? ".

Si, en France, la notion de conflit d’intérêts n’est pas citée expressément dans les textes normatifs, la même idée se retrouve, pour les fonctionnaires, à l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui proscrit les liens directs ou indirects de nature à compromettre l’impartialité de l’agent. De même, les dispositions législatives applicables aux organismes intervenant en matière de santé publique mentionnent généralement un intérêt "de nature à compromettre l’indépendance" ou l’impartialité de la personne concernée, en écho au statut général des fonctionnaires, autorisant ainsi une modulation dans l’appréciation des intérêts en cause.

Cette réserve de l’intensité des intérêts en cause, si elle doit être maniée avec précaution, n’en constitue pas moins un garde-fou indispensable : tout en permettant de prévenir les conflits d’intérêts potentiels, elle conditionne la sérénité de l’action publique, évite les risques d’abus de suspicion et n’exclut pas, notamment dans certains domaines d’expertise particulièrement pointus, de pouvoir recourir aux services de spécialistes incontestés, sous réserve que des précautions appropriées soient prises et que les limites du conflit d’intérêts avéré ne soient pas franchies.

- l’existence d’un intérêt "personnel" : les principaux risques de conflit d’intérêts portent sur  les éventuels antagonismes entre les intérêts "privés" ou "personnels" détenus directement ou indirectement par la personne et l’intérêt public dont elle a la charge. Deux types d’intérêts personnels peuvent être distingués :

-    les intérêts matériels : ils peuvent être patrimoniaux et financiers (détention directe d’actions d’une société, par exemple), professionnels (contrats de travail en cours ou passés avec une entreprise ou un organisme), commerciaux ou civils (généralement dans un cadre contractuel) ;

-    les intérêts moraux, c’est-à-dire les intérêts intellectuels, philosophiques, politiques,  syndicaux, idéologiques ou religieux.


A suivre...

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