VERITE

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mardi 30 août 2011

CONFLIT d'INTERETS La suite de la suite




La première catégorie est beaucoup plus problématique que la seconde : l’acteur public, qui sert l’intérêt général, doit se départir dans son action de considérations personnelles susceptibles de lui procurer un gain direct ou indirect. Or si les intérêts moraux sont susceptibles, dans certains cas, d’entrer en conflit avec l’action publique, ce sont bien les intérêts matériels qui sont le plus susceptibles de générer des difficultés ou des doutes sur l’impartialité de l’agent. En outre, l’instauration de mécanismes, notamment de déclaration, destinés à prévenir systématiquement tout "conflit d’intérêts", quelle que soit son intensité, avec des intérêts intellectuels, philosophiques, politiques, syndicaux, idéologiques ou religieux, c’est-à-dire avec des convictions personnelles, constituerait une atteinte importante à la liberté d’opinion constitutionnellement garantie, et serait excessivement intrusive. Il est d’ailleurs délicat de définir une conviction sous l’angle de " l’intérêt " de la personne concernée, et impossible de lui attribuer, en la matière, les intérêts d’un tiers. Les notions de consistance et d’intensité des intérêts en cause sont donc déterminantes pour apprécier ce qui relève ou non du champ d’éventuels conflits. C’est ainsi que les convictions religieuses ou politiques ne peuvent être regardées de manière générale comme des " intérêts ", tandis que des mandats officiels de la part d’institutions religieuses ou politiques peuvent être pris en compte. La Commission a donc résolument écarté l’idée d’identifier, traiter et corriger des conflits d’intérêts de cette nature de manière générale. Le principe en la matière doit rester celui de la confiance et de la responsabilité de la personne concernée, qui est réputée ne pas être influencée par ses convictions dans l’exercice de ses missions, sauf pour certains types de fonctions, d’actes ou de mesures pour lesquels l’existence de telles convictions, dès lors qu’elles se traduiraient par un engagement concret, pourrait être regardée comme structurellement problématique.

L’intérêt détenu doit ensuite être " personnel ", c’est-à-dire détenu directement ou indirectement par l’intéressé : il peut ainsi concerner l’agent lui-même ou sa famille, notamment ses parents, conjoint et enfants. La question des intérêts des proches est en revanche beaucoup plus délicate à appréhender : pour apprécier si de tels intérêts peuvent être regardés comme problématiques, sans donner lieu à des dérives peu souhaitables, il convient d’avoir une approche au cas par cas, tenant compte de l’intensité des liens, qu’ils soient familiaux, amicaux (notamment les amitiés qui se nouent dans le cadre ordinaire des relations de travail) ou intimes, ainsi que de la nature des intérêts en cause. L’attribution de l’intérêt d’un tiers à une personne concourant à l’exercice d’une mission publique ne peut, en tout état de cause, que résulter d’un lien de proximité fort et durable.

C’est également sous l’angle de cet intérêt " personnel " que peut être appréhendé, le cas échéant, le conflit entre deux intérêts en apparence publics : s’agissant, par exemple, de l’exercice de différents mandats, l’exercice du mandat " secondaire " susceptible d’influer sur le cours des décisions prises dans le cadre du mandat " principal " (par exemple, celui de membre du Gouvernement) peut être apprécié comme un intérêt personnel, traduisant la volonté du titulaire du mandat principal  de conserver ce dernier.

Enfin, cette " personnalisation " de l’intérêt, commune aux différentes définitions, justifie d’exclure du champ de ces intérêts, comme le fait le Canada, ceux qui, par nature, ne peuvent être regardés comme " personnels ", à savoir les intérêts en cause dans les décisions de portée générale, ceux qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes, ou ceux qui touchent à la rémunération ou aux avantages sociaux d’un agent public.

Une temporalité multiple : les conflits d’intérêts doivent être prévenus aussi bien par rapport aux intérêts détenus avant et pendant qu’après l’exercice des fonctions. Ce sont les " trois temps des conflits d’intérêts ". 
Si le risque de conflit est a priori beaucoup moins élevé au regard d’intérêts détenus avant les fonctions, ou après la fin de l’exercice de celles-ci, les frontières sont à l’évidence poreuses : le comportement d’un acteur public au cours de ses fonctions peut avoir été guidé par le souci d’obtenir un avantage personnel à l’issue de celles-ci. Il n’y a pas nécessairement concomitance de la détention des intérêts publics et privés ou, à tout le moins, l’avantage personnel n’est pas nécessairement immédiat et direct. 
Mais, à l’inverse, il faut aussi admettre une " péremption " des intérêts en cause, dès lors que ceux-ci ne sont pas continus, comme le fait l’actuel article 432-13 du code pénal, qui prévoit un délai de viduité de trois ans entre la fin des fonctions publiques et l’exercice d’activités privées dans un secteur dont l’agent public concerné a eu en charge la surveillance, l’administration ou la gestion. L’appréciation des intérêts éventuellement conflictuels doit donc porter sur une durée raisonnable et pertinente, c’est-à-dire sur une durée au regard de laquelle il est possible de considérer que le " lien " d’intérêt unissant l’acteur public à l’entreprise, la société ou la personne en cause est définitivement et irrémédiablement rompu.  
Cette durée ne peut évidemment pas être la même selon la nature des intérêts considérés : immédiate pour les intérêts financiers, dont il est aisé de se départir et qui n’engagent pas la personne dans une relation durable, elle est nécessairement plus longue pour les relations professionnelles ou d’affaires.
C’est en se fondant sur l’ensemble de ces considérations que la Commission a entrepris de donner une définition des conflits d’intérêts répondant aux exigences d’effectivité et de sécurité juridique.


2.3. Proposition de définition des conflits d’intérêts


Au vu de l’ensemble de ces éléments, il est apparu à la Commission que les conflits d’intérêts, tels qu’entendus au sens du présent rapport, devaient être ainsi définis :
" Un conflit d’intérêts est une situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé d’une personne qui concourt à l’exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions. Au sens et pour l’application du précédent alinéa, l’intérêt privé d’une personne concourant à l’exercice d’une mission de service public s’entend d’un avantage pour elle-même, sa famille, ses proches ou des personnes ou organisations avec lesquelles elle entretient ou a entretenu des relations d'affaires ou professionnelles significatives, ou avec lesquelles elle est directement liée par des participations ou des obligations financières ou civiles. Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d’intérêts, les intérêts en cause dans les décisions de portée générale, les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes, ainsi que ceux qui touchent à la rémunération ou aux avantages sociaux d’une personne concourant à l’exercice d’une mission de service public ". Pour être opérationnelle, une telle définition doit être articulée avec les éventuels dispositifs de prévention des conflits d’intérêts qui pourraient être instaurés, et notamment les obligations éventuelles de déclaration ou d’information de la détention d’intérêts pertinents. Plusieurs éléments appellent donc des précisions.

En premier lieu, dans l’esprit des membres de la Commission, les relations " professionnelles " susceptibles d’être regardées comme problématiques doivent s’entendre des relations ayant donné lieu à un contrat de travail, une rémunération ou un mandat, éventuellement social, quelconque. Cette notion ne saurait inclure en revanche les simples contacts et relations ordinaires que la personne peut être amenée à développer au sein d’une même communauté de travail, notamment des relations amicales entre collègues.

En deuxième lieu, la Commission considère que seraient concernés, comme membres de la " famille ", les époux, partenaires de pacte civil de solidarité et concubins, les ascendants, ainsi que les enfants de la personne concernée, pourvu que ces personnes entretiennent avec elle une relation directe et significative. Ceci exclut donc les hypothèses dans lesquelles les relations avec les enfants ou ascendants seraient rompues ou totalement distendues. On ne peut en effet demander alors à la personne concernée, ni de regarder les intérêts de ces personnes comme des intérêts personnels, ni a fortiori de les identifier raisonnablement. Ce resserrement de la famille sur la famille " nucléaire " est d’ailleurs commun à plusieurs pays qui ont déclaration des intérêts des membres de la famille de la personne concernée au seul époux ou conjoint de fait, à ses enfants à charge ainsi qu’à ceux de son époux ou conjoint de fait, excluant donc les ascendants et les enfants émancipés. 

De même, en Australie, les déclarations d’intérêts précédemment évoquées ne portent que sur la " famille immédiate ", sans que les contours de celle-ci soient délimités a priori. Quant aux " proches ", la notion est par nature délicate à définir. La Commission considère qu’il devrait s’agir des personnes qui entretiennent avec l’acteur public concerné une relation d’intimité suffisamment régulière et durable pour que leur proximité puisse susciter, pour un esprit raisonnable, un doute quant à l’indépendance, l’impartialité et l’objectivité de celui-ci à leur égard. La simple relation au sens large n’est pas suffisante : il faut que ces liens soient quasiment d’ordre " familial " quant à la proximité affective qu’ils impliquent, pour les mêmes raisons que celles qui conduisent à écarter les membres de la famille avec lesquels les liens seraient distendus. 

Enfin, si la notion d’ " avantage " doit s’entendre avant tout comme portant sur des avantages directs, elle n’exclut pas un bénéfice indirect lié au fait de désavantager une personne concurrente ou avec laquelle l’acteur public entretiendrait une inimitié. Sont donc aussi bien visés les conflits d’intérêts " positifs " que " négatifs ".



III. LE CHAMP DAPPLICATION DE LA REFLEXION : DES EXIGENCES PARTAGEES, MAIS PARTICULIEREMENT FORTES POUR LES PRINCIPAUX RESPONSABLES PUBLICS


Les principes de probité, d’impartialité et de responsabilité fondent et irriguent l’ensemble de l’action publique. La prévention des conflits d’intérêts s’impose donc à toutes les personnes qui concourent à une mission publique, c’est-à-dire:

- aux membres du Gouvernement ; 

- aux fonctionnaires et agents publics de l’Etat, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, ce qui inclut les agents de leurs établissements publics administratifs ; 

- aux membres et agents des autorités administratives indépendantes ;

- aux dirigeants des entreprises publiques et des établissements publics ;

- à toutes les personnes qui, quel que soit leur statut, travaillent pour un organisme privé chargé d’une mission de service public administratif ;

- aux collaborateurs occasionnels du service public, notamment les membres d’organismes consultatifs placés auprès d’organismes publics ou privés chargés d’une mission de service public.

Le champ d’application des réflexions de la Commission, défini par le décret du 10 septembre 2010 et la lettre de mission du Président de la République, est cependant plus restreint : même si les principes qui sous-tendent le présent rapport ont vocation à s’appliquer à l’ensemble du " secteur public ", certaines  fonctions, compte tenu du niveau de responsabilité et de l’exemplarité  attendue de leurs titulaires, sont particulièrement exposées :

- La protection des membres du Gouvernement contre les risques de conflits d’intérêts par des mesures " positives " et pas seulement répressives constitue ainsi une exigence fondamentale compte tenu des responsabilités particulièrement importantes qui leur incombent, des risques inhérents à ces responsabilités et du devoir spécial d’exemplarité qui pèse sur eux. L’enjeu est ici de trouver le juste équilibre entre le renforcement de la confiance publique et la prévention de comportements qui affectent cette confiance ; la sécurisation des pratiques professionnelles notamment, dans le cadre de mouvements plus fréquents que naguère entre les secteurs public et privé ; et la responsabilité personnelle en cas de manquement à la déontologie.

- De même, les principaux dirigeants des entreprises publiques et établissements publics, compte tenu des enjeux économiques et de leurs relations avec le secteur concurrentiel, sont également particulièrement exposés, ce qui implique la définition de règles déontologiques en miroir de celles du secteur privé, dans la fidélité aux spécificités du secteur public.

Enfin, les personnes qui exercent les plus hautes responsabilités, notamment au sein des cabinets ministériels et à la tête des directions d’administration centrale, parce qu’elles exercent des responsabilités étendues qui peuvent affecter leurs intérêts privés et parce que leurs parcours professionnels tendent à se diversifier entre le secteur public et privé, doivent prévenir toute situation de conflits d’intérêts, pour garantir tant la qualité et l’impartialité des décisions publiques que l’exemplarité des comportements.

C’est pour ces trois catégories de personnes que le présent rapport propose des dispositifs de prévention des conflits d’intérêts particuliers, dans le prolongement de principes et de cadres de référence applicables à l’ensemble des acteurs publics. Il est toutefois apparu à la Commission que la prévention des conflits d’intérêts n’est pas seulement une question d’ordre individuel, mais impose aussi une organisation administrative adaptée. Les préconisations en la matière doivent donc reposer sur une conciliation entre des exigences individuelles, d’une part, et des mécanismes collectifs structurels de prévention et de contrôle, d’autre part.

A suivre...

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